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La médiation, cette alliée méconnue pour résoudre les conflits en droit du travail

  • Photo du rédacteur: Olivier Rijckaert
    Olivier Rijckaert
  • 30 avr.
  • 3 min de lecture

En trente ans de carrière comme avocat en droit du travail, juge suppléant et médiateur agréé, j’ai vu défiler d’innombrables litiges entre employeurs et travailleurs. Licenciements, désaccords sur les conditions de travail, charge psycho-sociale, malentendus qui s’enveniment… avec le recul, je suis convaincu que nombre de ces dossiers auraient pu être résolus sans passer par la case « tribunal », en recourant à la médiation.


Un outil adapté à la dimension humaine du travail


Le droit du travail ne se résume pas à des contrats, des règles touffues ou des structures complexes de rémunération. La relation entre un employeur et un travailleur est aussi humaine, tissée d’émotions, de besoins et de contraintes personnelles. Stress au travail, manque de reconnaissance, mauvaise communication ou défis liés à la vie privée : ces réalités sous-jacentes se retrouvent souvent au cœur des conflits. Lorsqu’un litige survient, un juge - aussi compétent soit-il - n’a ni les outils, ni le temps pour aborder ces dimensions pourtant essentielles.


En revanche, la médiation offre un espace où ces aspects humains sont pris en compte. En tant que médiateur, je vois des situations a priori insolubles, entre des parties qui se détestent, se dénouer en quelques séances. Pourquoi ? Parce que la médiation leur permet de s’exprimer librement, d’être entendues et de construire ensemble une solution, avec l’aide cadrante du médiateur. Contrairement à un jugement, qui impose une décision, la médiation donne aux parties le pouvoir de façonner un accord qui répond à leurs besoins.


Une solution taillée pour le monde professionnel


Pour les employeurs, la médiation pourrait devenir un outil stratégique. Un litige porté devant les tribunaux grève le budget de l’entreprise et nuit au climat social et à la productivité. La médiation permet de désamorcer les conflits avant qu’ils ne dégénèrent, tout en envoyant un signal fort : celui d’une entreprise qui valorise le dialogue. Dans un marché du travail ultra-concurrentiel, cet engagement en faveur de solutions conciliantes me semble être un atout.


Pour les travailleurs, la médiation offre une chance d’être entendus et de trouver des solutions idéales, à moindre coût et sans les aléas et inconvénients pénibles d’une procédure judiciaire.


Alors, pourquoi la médiation reste-t-elle dans l’ombre ?


Malgré ses atouts, la médiation reste sous-exploitée en Belgique. Par méconnaissance, d’abord : beaucoup d’employeurs, de travailleurs et même d’avocats ignorent son existence ou la perçoivent comme un processus flou, voire artisanal. A tort : la médiation a largement prouvé son efficacité dans des dossiers complexes, y compris des licenciements à fort enjeu ou des conflits collectifs. Elle s’est aussi professionnalisée : les médiateurs agréés respectent un cadre légal et déontologique strict et comparable, dans sa rigueur, à celui d’une procédure judiciaire.


L’autre frein est culturel. Nous privilégions le recours au juge, perçu comme offrant la seule garantie de « justice ». Mais cette approche n’est pas toujours la plus adaptée. La médiation complète la justice, en offrant une voie alternative dans les situations où le tribunal n’offrira pas nécessairement la meilleure réponse au conflit qui lui est soumis. Au Canada, on l’a compris depuis longtemps : dans certaines provinces, la médiation est un passage obligé avant de pouvoir soumettre (en cas d’échec) un litige au tribunal.


Un appel à changer les mentalités


Pour que la médiation prenne enfin la place qu’elle mérite en Belgique, un effort collectif est nécessaire. Les entreprises doivent être sensibilisées à ses avantages, via des campagnes d’information. Les syndicats pourraient promouvoir la médiation comme un outil complémentaire à leurs actions. Enfin, les pouvoirs publics devraient encourager son usage, en offrant des incitants financiers ou en l’intégrant davantage dans les processus juridictionnels, comme au Canada. Notre système judiciaire - au bord de la saturation - en serait le premier bénéficiaire : il se trouverait allégé de très nombreux conflits.


Avec des taux de succès de l’ordre de 80%, on pourrait qualifier la médiation de « solution miracle ». Au-delà des statistiques très encourageantes, la médiation est une réponse professionnelle, pragmatique, rapide et humaine à des conflits qui, trop souvent, s’enlisent dans des batailles judiciaires stériles dont, au final, personne ne sort réellement gagnant.


Employeurs, travailleurs, syndicats, avocats … : la prochaine fois qu’un conflit se profile, osez donc tenter la médiation. Vous serez surpris par sa simplicité et son efficacité. Moins de stress, moins de coûts, plus d’humanité et de vraies solutions, co-construites : l’équation a de l’avenir. Faisons donc de la médiation la norme - et non l’exception - dans la résolution des conflits en droit du travail.

 
 

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